Vivre avec l’oubli : Georges Arsenault et Louise Comeau, une autre histoire d’Alzheimer

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Janvier est le mois de sensibilisation à l’Alzheimer, une maladie qui vide peu à peu les tiroirs où tout au long de notre vie, nous accumulons nos souvenirs, nos connaissances et nos compétences. Le ménage se fait graduellement, jusqu’au jour où la personne se retrouve à contempler des tiroirs vides ou, pire, remplis de choses qu’elle ne reconnaît pas.

Le 15 août 2022 a été marquant pour Georges Arsenault. C’est le jour où il a accompagné sa conjointe depuis plus de 20 ans, Louise Comeau, à son nouveau chez elle, le foyer Summerset à Summerside.

La décision a été difficile à prendre et dans les jours qui ont suivi, Georges Arsenault avoue qu’il a ressenti de la culpabilité. «On avait coutume de s’installer le soir tous les deux pour regarder le coucher de soleil, et pendant les jours qui ont suivi le 15 août, les couchers de soleil étaient tellement beaux. J’avais l’impression que la nature me punissait. Je sais que c’est une étape que toutes les personnes obligées de prendre ces décisions traversent. C’est passé maintenant», rassure Georges Arsenault.

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Sur cette photo on voit Louise Comeau, qui est maintenant résidente du foyer Summerset à Summerside. La photo a été prise quelques jours avant Noël, elle est accompagnée du Père Noël qui était en visite. (Photo : Foyer Summerset).

Louise Comeau est native de la Baie Sainte-Marie en Nouvelle-Écosse et est installée à l’Île depuis de nombreuses années. Elle a été chef d’entreprise et a dirigé des organismes. Elle occupait toujours un emploi lorsque les premiers signes de la maladie ont commencé à se manifester, il y a environ 10 ans. «À la maison, on avait notre routine, je m’occupais de mes choses et elle faisait ses affaires. Elle répétait parfois certaines phrases, mais on a tous fait cela de temps à autre… Avec le recul, j’aurais préféré que ses collègues de travail me fassent part de leurs observations. J’aurais insisté pour qu’elle prenne sa retraite plus tôt. En même temps, je pense que c’était important pour elle d’allerau travail. Je ne sais pas ce qui aurait été préférable», avoue-t-il.

Impossible de comparer

Les effets de l’Alzheimer et des autres types de démence sont toujours cruels et ils ont tous quelque chose en commun : leurs différences d’un cas à l’autre. «Je connais plusieurs personnes qui vivent avec ça et chaque histoire est différente. Pour ma part, Louise passait de belles grandes heures dans sa cabane de jardin et faisait des petites choses. Je devais rester aux alentours, au cas, mais la plupart du temps, elle était contente d’être là. Et elle dormait toute la nuit. Alors moi aussi. Certains se promènent toute la nuit, et peuvent se mettre dans des situations dangereuses. Dans ce temps-là, les gens autour d’eux ne peuvent pas se reposer. Je suis chanceux d’une façon», concède Georges Arsenault.

L’âge et la mobilité de la personne sont aussi des facteurs à considérer. «Les premiers temps, Louise ne comprenait pas ce qu’elle faisait là (Summerset Manor). Elle essayait de s’échapper. Elle est alerte, physiquement. Si elle avait pu avoir sa cabane de jardin là-bas, elle aurait été bien tranquille. Mais là, elle se sentait comme en prison. C’est mieux maintenant.»

Un déménagement nécessaire

Pendant les quelque huit années où la maladie a progressé, Georges Arsenault a fait de son mieux pour que Louise ait une bonne qualité de vie. «Elle se croyait de nouveau petite fille ou jeune adulte et elle tenait à aller visiter ses parents, “de l’autre bord de la butte”. Elle insistait tellement que je l’accompagnais en auto. On faisait le tour de la région et au retour, ça allait mieux. En général, je suis la personne qu’elle reconnaît le plus. On est allé cchez son fils, Sylvain, pendant les fêtes, mais pour elle, elle avait passé la soirée avec son frère Paul qui est décédé.»

Louise était suivie par le service des soins à domicile, et le personnel soignant faisait régulièrement des évaluations de la condition de Louise, sans que les résultats ne soient communiqués directement à Georges. «Lorsqu’ils m’ont appelé pour me dire qu’il était temps, j’ai été surpris. C’était si soudain. Et puis, j’en ai parlé avec ses enfants (Ghislaine et Sylvain), avec mes deux filles (Danielle et Julie) ainsi qu’avec d’autres personnes. À force de me faire dire qu’il était temps, j’ai accepté l’idée. Je tente d’aller passer du temps avec elle chaque jour. Elle aime les animaux. J’ai été faire une petite vidéo de la portée de chiots à “Louis 2” et de la portée de chatons à Rhéal Arsenault et je lui montre ces petites vidéos. Elle aime ça. On fait des casse-tête, on regarde des livres de chats et de chiens. On passe du temps ensemble.»

Il y a environ 20 ans, Georges et Louise ont construit leur maison de rêve, non loin du quai des pêcheurs de Cap-Egmont. Les plans sont de Georges et c’est Louise qui a fait l’agencement des couleurs, qui sont encore très actuelles. «Un jour, même avant que la cuisine ne soit planifiée, Louise et moi étions dans un magasin à Summerside où il y avait une liquidation de portes d’armoires et de façades de tiroirs de cuisine. Elle m’a convaincu. On est sortis de là avec 47 portes pour 100 $ et j’ai fait les armoires et les tiroirs sur mesure.»

L’îlot au centre de l’espace cuisine est comme le cerveau central avec ses multiples tiroirs remplis et bien classés, des tiroirs d’une grande utilité qui ne sont pas sur le point de se vider.

PAR Jacinthe Laforest
LA UNE : Georges Arsenault a accompagné sa conjointe, Louise Comeau, atteinte d’une forme d’Alzheimer, aussi longtemps qu’il a pu. Il a dû se résigner à lui trouver une place dans une résidence. Le déménagement a eu lieu le 15 août dernier. (Photo : J.L.)