Insularité et inflation : un duo coûteux dans les épiceries des Îles-de-la-Madeleine

Publicité

Articles similaires

Les équipements de Total Océan resteront dans l’archipel

Le Centre collégial de transfert technologique (CCTT) de Saint-Félicien,...

Le CISSS des Îles n’abandonne pas son projet de logements

Le Centre intégré de santé et de services sociaux...

L’ancien porte-parole de la SQ Claude Doiron subira un procès

L’enquête préliminaire de l’ancien porte-parole de la Sûreté du...

Pêche à l’appât du maquereau : « On est oubliés », disent les pélagiques

Après l’annonce par Pêches et Océans Canada de la réouverture...

La hausse du coût des aliments se fait sentir partout au pays, mais elle frappe encore plus durement les habitants des régions éloignées. Au-delà des frais liés au transport des aliments par bateau, certains Madelinots croient que l’absence de concurrence contribue aussi à gonfler leur facture d’épicerie.

Depuis un an, faire l’épicerie est devenue un véritable casse-tête pour la Madelinienne Annie Landry.

Dans les allées d’un supermarché de l’archipel, elle analyse longuement le coût de chaque aliment et se résigne parfois à laisser l’article sur la tablette.

$ et 10,33$. On n’aura pas de fromage cette semaine!","text":"Le fromage, c'est épouvantable; j’ai le choix entre une brique à 8,22$ et 10,33$. On n’aura pas de fromage cette semaine!"}}">Le fromage, c’est épouvantable; j’ai le choix entre une brique à 8,22 $ et 10,33 $. On n’aura pas de fromage cette semaine! lance-t-elle, découragée, en s’éloignant de l’étalage des produits laitiers.

La hausse du coût des aliments a complètement déstabilisé son budget familial.

$ par semaine; ce n’était pas pour le mois, juste pour la semaine, raconte MmeLandry. J’ai commencé à angoisser parce que j’ai des bouches à nourrir.","text":"J’ai fait des épiceries de 500$ par semaine; ce n’était pas pour le mois, juste pour la semaine, raconte MmeLandry. J’ai commencé à angoisser parce que j’ai des bouches à nourrir."}}">J’ai fait des épiceries de 500 $ par semaine; ce n’était pas pour le mois, juste pour la semaine, raconte Mme Landry. J’ai commencé à angoisser parce que j’ai des bouches à nourrir.

Capture d’écran, le 2023-03-30 à 08.38.59

La mère qui élève seule deux adolescents a dû faire des choix difficiles, allant même jusqu’à vider les tirelires de ses garçons pour tenter de payer les factures.

Quand il n’y a eu plus rien dans les banques, j’ai commencé à paniquer, parce que c’était soit payer le logement, l’électricité, le chauffage, explique la citoyenne du secteur de Gros-Cap.

 

Capture d’écran, le 2023-03-30 à 08.39.12

L’été dernier, elle a eu un choc lorsqu’elle a vu la réaction des touristes à l’épicerie.

Les touristes disaient que les Madelinots étaient des voleurs et qu’ils ne reviendraient plus aux Îles, parce que ce n’était pas achetable à l’épicerie, raconte-t-elle. J’ai répondu à un monsieur que nous, on payait ces prix-là à l’année, pas seulement durant nos vacances.

Capture d’écran, le 2023-03-30 à 08.39.28

D’importantes variations de prix

Radio-Canada a comparé le prix d’un panier d’épicerie composé des mêmes neuf aliments dans différentes enseignes des Îles-de-la-Madeleine et d’ailleurs au Québec durant la semaine du 2 au 8 mars 2023.

Le montant de la facture au Bonichoix des Îles-de-la-Madeleine est de 51 % plus élevé que dans un Maxi de Montréal.

Capture d’écran, le 2023-03-30 à 08.39.42

Les résultats d’une nouvelle étude attendus cet été

Une étude réalisée en 2016 par le Dispensaire diététique de Montréal révélait que le prix du panier d’épicerie pour une famille de quatre personnes était de 16 % plus élevé aux Îles-de-la-Madeleine que dans la métropole.

Sept ans plus tard, une mise à jour de cette étude est en cours, et les résultats seront connus à l’été.

L’analyse est menée par l’Équipe de développement social des Îles, avec la collaboration de partenaires de la Table de lutte contre la pauvreté, sous la supervision du Dispensaire diététique de Montréal.

Pour l’instant, je n’ai rien qui m’indique que l’écart aurait diminué ni qu’il aurait augmenté de façon exceptionnelle, indique l’agent de développement social André St-Onge.

Capture d’écran, le 2023-03-30 à 08.39.57

André St-Onge souligne que le coût des aliments a monté partout, pas seulement aux Îles, mais il reconnaît que la situation devient difficile pour certains ménages. Pour les familles à revenu modeste, c’est très inquiétant, affirme-t-il.

André St-Onge rappelle que l’éloignement a un prix, notamment à l’épicerie.

Le coût des aliments varie si on se trouve dans une région éloignée; une région rurale, ça varie avec la surface d’épicerie, précise-t-il. Dès qu’on s’éloigne, ça coûte plus cher; dès qu’on est des petits milieux, ça coûte plus cher aussi. Aux Îles, il faut rajouter le facteur insulaire.

Capture d’écran, le 2023-03-30 à 08.40.08

Des rabais différents pour les Madelinots

Pour une population de plus de 12 600 personnes, on compte quatre supermarchés d’importance aux Îles-de-la-Madeleine : un Bonichoix et trois coopératives IGA, tous des enseignes de Sobeys.

Les prix et les rabais proposés aux insulaires ne sont pas toujours les mêmes qu’ailleurs au Québec.

La preuve : IGA distribue une circulaire différente aux Îles-de-la-Madeleine. Les soldes offerts sont en fait identiques à ceux des Marchés Tradition qui se trouvent sur le continent, où les prix sont généralement plus élevés qu’au IGA en raison des petits volumes de vente.

Les promotions proposées aux Madelinots sont donc souvent moins intéressantes que celles qui sont offertes ailleurs dans la province.

Capture d’écran, le 2023-03-30 à 08.40.30

Le député des Îles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau, mentionne également que les produits en promotion ne sont pas toujours offerts sur les tablettes des épiceries de l’archipel.

Les gens nous racontent qu’ils vont à l’épicerie et qu’ils ne peuvent pas nécessairement se procurer le produit qui est en vente, rapporte M. Arseneau.

Capture d’écran, le 2023-03-30 à 08.40.41

Un monopole dénoncé

Le député des Îles-de-la-Madeleine plaide en faveur d’une plus grande concurrence sur le marché de l’alimentation dans l’archipel.

Il y a définitivement un monopole de la part de Sobeys sur l’ensemble des épiceries des Îles-de-la-Madeleine, dénonce M. Arseneau.

 

Capture d’écran, le 2023-03-30 à 08.40.53

La Madelinienne Annie Landry a aussi l’impression d’être prise au piège. Elle raconte même qu’elle a songé à quitter l’archipel pour avoir accès à des aliments moins chers.

 

Capture d’écran, le 2023-03-30 à 08.41.02

Le député madelinot croit que le coût des aliments plus élevé dans l’archipel ne peut pas s’expliquer uniquement par les frais de transport par bateau.

Il y a des chaînes aux Îles, des pharmacies ou des quincailleries, qui proposent des prix similaires à ce qu’on voit sur le continent, soutient l’élu.

Capture d’écran, le 2023-03-30 à 08.41.13

Joël Arseneau estime que Québec devrait mettre en place un bureau de la concurrence pour mieux encadrer les pratiques des entreprises d’alimentation dans la province, au moment où plusieurs se demandent si ces dernières ne profiteraient pas indûment de l’inflation pour gonfler leurs prix à outrance.

Se tourner vers l’autosuffisance alimentaire

De son côté, Annie Landry a décidé de trouver elle-même des solutions pour réduire sa facture d’épicerie.

Elle a fait l’achat d’une tour de culture aéroponique qui lui permet de faire pousser des fruits et des légumes toute l’année.

Capture d’écran, le 2023-03-30 à 08.41.31

C’est beaucoup moins stressant pour moi, explique-t-elle. Même si on ne sait pas où on s’en va avec l’inflation et la récession, au moins, on va manger à notre faim, et je vais semer, planter et cueillir tant que je veux.

Capture d’écran, le 2023-03-30 à 08.41.45

La Madelinienne mise également sur des réserves de maquereaux pêchés au quai et sur la cueillette de petits fruits sauvages pour alléger ses dépenses d’épicerie.

Capture d’écran, le 2023-03-30 à 08.41.55

 

Il faut qu’on réapprenne à produire une part de notre nourriture si on n’a même plus accès à ce qui est pêché chez nous et si ce qu’on importe est hors de prix, croit la mère de famille. C’est encore une question de résilience.

De la résilience, il en faudra beaucoup, car le prix des aliments pourrait encore augmenter de 5 à 7 % cette année, selon certains experts.

LA UNE : La Madelinienne Annie Landry a été fortement affectée par la hausse du coût des aliments au cours des derniers mois, allant même jusqu’à penser quitter l’archipel pour avoir accès à des aliments moins chers. PHOTO : RADIO-CANADA / ISABELLE LAROSE
PAR Isabelle Larose