Raviver la flamme de la chasse au phoque… une bouchée à la fois

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Des rencontres ont eu lieu cette semaine sur la Côte-Nord pour mieux faire connaître la chasse au phoque et l’exploitation de cette viande encore peu consommée au Québec. Les formateurs espèrent renverser cette tendance grâce à des ateliers riches en saveurs.

Pour un accord phoque et vin? lance une agente de Pêches et Océans Canada à la blague.

Saint-Didier-Parnac… un bordeaux!, répond immédiatement Réjean Vigneault avec son accent madelinot.

Réjean Vigneault est chasseur de phoque depuis 40 ans. Il est également propriétaire de la boucherie Côte à Côte aux îles de la Madeleine.

Cette semaine, ce formateur a parcouru la région en compagnie de Geneviève Gélinas, du Comité sectoriel de main-d’œuvre des pêches maritimes, pour offrir des ateliers aux Nord-Côtiers.

Vendredi soir à Sept-Îles, une douzaine de personnes – des femmes et des hommes, des plus vieux et des plus jeunes – ont participé à cette activité qui inclut une formation sur l’abattage de Pêches et Océans Canada, essentielle à l’obtention d’un permis de chasse, ainsi qu’une formation sur le dépeçage du phoque.

Une technique de dépeçage très précise et complexe

Ça me prendra une semaine, faire tout ça, soupire un participant, subjugué par la rapidité et par l’habileté des coups de couteau de M. Vigneault, qui s’affaire sur la carcasse d’un jeune phoque chassé à l’île Brion, au large des îles de la Madeleine.

Un homme coupe un morceau de viande rouge sur une table recouverte d'une toile en plastique ensanglantée.

Réjean Vignault a fait goûter aux participants un morceau de filet de phoque cru. PHOTO : RADIO-CANADA / ALBAN NORMANDIN

La viande de loup marin restera toujours la viande la plus compliquée à mettre sur nos tables en raison de la technique nécessaire pour la dépecer, entre autres, explique M. Vigneault.

C’est une des raisons pour lesquelles la pêche au phoque reste moins populaire pour les chasseurs et pour l’industrie de la chasse et de la pêche, qui manque de transformateurs assez expérimentés pour apprêter la viande de phoque.

Au Comité sectoriel, on sait qu’il y a une volonté au Québec pour développer un marché de consommation de viande de phoque, dit l’organisatrice de cette activité, Geneviève Gélinas. Pour qu’il y ait un développement du marché pour la consommation humaine, il faut des chasseurs avec un bon savoir-faire.

Un homme pose sa main sur la fourrure d'un phoque.

La fourrure est aussi un des attraits principaux de la chasse au phoque. PHOTO : RADIO-CANADA / ALBAN NORMANDIN

En plus des chasseurs, l’industrie doit elle aussi adopter l’exploitation du phoque pour que cette espèce, un jour, rejoigne les assiettes des consommateurs. Cependant, le manque d’expertise dans le secteur de la transformation limite la popularité de cette viande.

Au micro de l’émission Bonjour la Côte, Marilou Vanier, directrice pour la Côte-Nord au Créneau d’excellence ressources, sciences et technologies marines, a fait remarquer que l’industrie n’est pas là, le marché n’est pas là.

Il faut qu’il y ait de la transformation, a-t-elle ajouté.

Selon Réjean Vigneault, de 300 à 500 phoques adultes seront chassés au Québec, tandis que les quotas de chasse s’élèvent à 15 000 phoques gris et à 25 000 phoques du Groenland.

On n’atteindra jamais ces quotas parce que pour travailler cette viande-là, ça te prend un doigté et une équipe de fines lames, explique Réjean Vigneault.

La carcasse éventrée d'un phoque sur une table.

Durant l’atelier, un jeune phoque de trois semaines a été dépecé. PHOTO : RADIO-CANADA / ALBAN NORMANDIN

Les tabous de la chasse au phoque et ses impacts

En plus des difficultés innées de l’exploitation de la viande de phoque, les campagnes contre la chasse limitent les capacités à promouvoir la viande à l’étranger, explique Mme Vanier.

C’est la chasse la plus controversée, mais pour quelqu’un qui s’informe, c’est la plus réglementée.

Une citation de Réjean Vigneault, chasseur et formateur
La chasse aux phoques.

Sur la Côte-Nord, environ 400 chasseurs disposent d’un permis pour chasser le phoque, selon Geneviève Gélinas. PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / JONATHAN HAYWARD

Dans l’espace public, la chasse au phoque garde toujours les cicatrices des mouvements de contestation des années 1970 qui s’étaient opposés à l’abattage de phoques, y compris l’épisode de la visite de l’actrice française Brigitte Bardot au Canada, qui avait scandé Canadiens, assassins!.

Maintenant, les troupeaux explosent […] et le phoque n’est plus contrôlé, réplique Réjean Vigneault.

Selon lui, un phoque gris mange de deux à trois tonnes métriques de poisson par année, et avec le nombre toujours grandissant de phoques dans le fleuve Saint-Laurent, la pêche de plusieurs espèces de poissons en souffre.

Cet avis est partagé par la directrice d’Exploramer, Sandra Gauthier. L’éléphant dans la pièce, c’est le phoque. C’est sûr qu’il va falloir qu’on s’y intéresse, et vite, a-t-elle dit au micro de l’émission Bonjour la Côte.

Si on a stoppé la pêche au maquereau, au hareng, à la morue, à la merluche, c’est à cause du phoque, selon elle.

Une belle matière première locale qui attend d’être chassée

Malgré la controverse, selon M. Vigneault et Marilou Vanier, la directrice Côte-Nord au Créneau d’excellence ressources, sciences et technologies marines, un nombre grandissant de restaurateurs et de transformateurs s’intéressent à l’exploitation de la viande de phoque.

Lors de la formation de vendredi soir, Réjean Vigneault a relaté ses nombreuses conversations avec des restaurateurs qui apprêtent cette viande de plusieurs manières.

Un beau filet de loup marin, enrobé de pistaches et de noix de cajou concassées, c’est très bon, indique le chasseur.

Une femme distribue des échantillons de viande de phoque.

Geneviève Gélinas a distribué des échantillons de méniche de phoque confite dans du gras de canard. PHOTO : RADIO-CANADA / ALBAN NORMANDIN

Viande de phoque crue, épaule de phoque confite dans du gras de canard, rillettes et saucisson sec : les participants à la formation organisée au centre sociorécréatif de Sept-Îles ont été servis en exemples pour apprêter la viande de phoque au goût délicat, le tout enrichi de conseils de cuisine.

Un homme coupe des tranches de saucisson de loup marin.

Du saucisson sec de loup marin. PHOTO : RADIO-CANADA / ALBAN NORMANDIN

D’ailleurs, la viande de phoque fait partie de la liste Fourchette bleue qui recommande le phoque gris et le phoque du Groenland au menu. On y décrit cette viande comme étant « sanguine et maigre à saveur ferreuse » avec un rappel du goût du gibier terrestre avec des notes marines.

LA UNE : Réjean Vignault est chasseur de phoque depuis 40 ans. PHOTO : RADIO-CANADA / ALBAN NORMANDIN

PAR Alban Normandin